25 ans de sacerdoce

Le philosophe André Glucksmann accusait ses amis catholiques de « numérolâtrie » à cause de notre habitude de solenniser n’importe quel anniversaire. Pourquoi, alors, célébrer 25 ans de sacerdoce ? À cause du concept d’aujourd’hui qui traverse la Bible. Dans le Deutéronome, Moïse dit au peuple : « ce n’est pas avec nos pères que le Seigneur a conclu cette alliance, mais bien avec nous, nous-mêmes qui sommes ici aujourd’hui, tous vivants (Dt 5,3) ». L’auteur de cette phrase sait que les générations juives, en la lisant, la prendront chacune pour elle. Saint Jean reprend ce schéma quand il nous rapporte la phrase de Jésus à la Samaritaine : « Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité (Jn 4,23) ». 

Le Concile de Trente a défini dogmatiquement que la messe rend présent aujourd’hui l’unique sacrifice de la Croix. Vatican II le répète. Nous le disons le jeudi saint : « au moment d’être livré et d’entrer librement dans sa passion, c’est-à-dire aujourd’hui ». Jésus m’a fait prêtre en juin 1998, et aucun autre jour. Mais c’est aujourd’hui qu’il m’appelle à laisser mon sacerdoce déployer pour vous un fruit renouvelé. Nous célébrons ainsi sa fidélité. Fidélité pour moi, certes, mais comme tout chrétien c’est par mon baptême qu’il me sauve : « avec vous je suis chrétien et c’est mon espérance, lançait saint Augustin, pour vous je suis évêque et c’est ma crainte ». Sans doute y aura-t-il moins d’abus en tout genre le jour où nous écouterons cette phrase. 

La fidélité que Jésus manifeste aujourd’hui, elle est par-dessus tout envers vous. Mes mains vous donnent le Christ. Elles en sont indignes mais Jésus vous aime assez pour se donner à vous par moi. Par-là même, il vous montre son infinie miséricorde envers vous : si par moi, il est capable de se donner à vous, que ne fera-t-il pas par vous, quels que soient vos péchés, si vous le laissez faire ? Un jour une prostituée musulmane qui venait de se faire tabasser par des « collègues » s’est écroulée dans mes bras devant les bénévoles de l’association en criant : « alors Dieu m’aime assez pour m’envoyer un prêtre ». Mon sacerdoce n’était pas plus efficace que les salariées de l’association pour lui obtenir le RSA, des papiers ou que sais-je. Mais en ma personne sacerdotale, cette musulmane a su voir la fidélité de Dieu envers et contre tout. Sa fidélité pour elle comme pour tout être humain. C’est vrai. C’est cela que nous fêtons, et qui continuera. Car rien ne lassera Jésus de se donner. Même par moi. 

Père Matthieu Villemot, vicaire