Soyez dans la joie !

Cette invitation de saint Paul résonne avec force en ce troisième dimanche de l’Avent, appelé Gaudete, « Réjouissez-vous », où nous sommes tout particulièrement heureux et honorés d’accueillir des invités exceptionnels et occasionnels pour la messe à Saint-Louis en l’Ile. L’austère violet de la pénitence – et oui l’Avent est un temps de conversion ! – se teinte de lumière pour donner un rose léger signe d’allégresse : « Le Seigneur est proche ». Il vient le Seigneur, il vient sauver les hommes. Nous l’invoquons, nous l’attendons : « Viens Seigneur ». Il est là au milieu de nous. Il se donne à nous. C’est une promesse. C’est un cadeau.

Cet appel manque-t-il de réalisme ? Comment être dans la joie alors que le monde et l’Eglise sont traversés par tant d’épreuves, divisés et déchirés, de remous et de jalousie, alors que le visage et la dignité de tant d’hommes, de femmes, d’enfants sont bafoués, ne seraient-ce que les migrants qui cherchent à traverser l’Europe. Comment témoigner de la joie de Noël auprès des passants, des commerçants, des habitants de notre quartier qui ne sont pas (ou plus) habitués à entrer dans l’église ? « Ne soyez inquiets de rien » ajoute saint Paul alors qu’il est en prison. « Pousse des cris de joie, de tout cœur bondis de joie » demande déjà le prophète Sophonie dans l’Ancien testament, alors que le peuple de Dieu est exilé à Babylone ». Excès d’insouciance, joie trop facile ?

Cette joie est solide et profonde car elle vient de Dieu et de sa présence en nous, au milieu de nous. « Le Seigneur est en toi ». En nous accueillant les uns les autres, nous pouvons nous reconnaître chacun comme porteur de la présence de Dieu. Le Seigneur habite en nous comme en son Temple. Et il trouve en nous sa joie. Il se réjouit de notre existence qui est un don de sa grâce, il ne se lasse jamais de nous pardonner. Cette joie très concrète est exprimée par la « bienveillance » dont parle saint Paul. Plus qu’une valeur à cultiver – et c’est heureux ! – en entreprise, dans la société, les familles ou l’Eglise, elle est la marque du regard et de l’action de Dieu pour nous : il veut notre bien. Il nous établit gardiens de nos frères. C’est ce que nous voulons vivre dans notre quartier avec les maraudes et les veilleurs de proximité, avec hiver solidaire et le plan grand froid pour prendre soin les uns des autres.

Cette joie suscite une attente – « Quand viens-tu Seigneur ? » – et une question – « Que devons-nous faire ? ». Cette interrogation de toute conscience morale n’est pas une obligation extérieure mais un dynamisme intérieur. La réponse de Jean-Baptiste dans l’évangile de ce dimanche relève à la fois de la simplicité et de l’impossibilité à vue humaine : partager, n’exiger rien de plus, renoncer à la violence. Entre l’orgueil de trouver cela trop facile, et le désespoir de ne jamais y parvenir, le chemin de l’amertume à la joie consiste à reconnaître et à consentir à ce que le Christ accomplisse en nous cette œuvre de conversion, de retournement, et qu’il nous y associe par le don du baptême et son déploiement. Notre joie est ainsi purifiée par le feu, par l’épreuve de vérité, par le jugement sur nos actes qui n’appartient qu’à Dieu. Bonne route vers la joie de la Nativité !

Père Jean-Baptiste Arnaud, curé